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CONGÉS PAYÉS ET ARRÊT MALADIE : LA SUITE...

CONGÉS PAYÉS ET ARRÊT MALADIE : LA SUITE...


Dans notre MAG’ du mois de novembre, nous vous informions des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 mettant en conformité le droit français avec le droit de l’Union européenne.

On vous résume la situation et on vous précise la suite…

Tout d’abord, il convient de préciser que cela fait plus de 10 ans que notre réglementation en matière de CP est contraire au droit de l’Union européenne. Presque chaque année depuis 2013, la Cour de cassation alerte les pouvoirs publics sur la nécessité de modifier le Code du travail. La France a également été condamnée à plusieurs reprises pour le préjudice subi par les salariés du fait de cette non-transposition. Tout cela en vain, puisque le législateur n’a jamais pris la peine de procéder à ces modifications.
La Cour de cassation, qui, jusqu’ici, appliquait le Code du travail, a donc finalement décidé d’opérer un revirement de jurisprudence, en écartant partiellement les dispositions de notre Code du travail qui n’étaient pas conformes au droit de l’UE. Ce qui est inédit, bien que parfaitement prévisible…

1/ Acquisitions de congés payés en arrêt maladie


L’article L. 3141-5 du Code du travail prévoit que :

  • les salariés en arrêt maladie ordinaire n’acquièrent pas de CP ;
  • les salariés en arrêt maladie professionnelle ou accident du travail n’acquièrent des CP que pendant la 1ère année ininterrompue d’arrêt de travail.

Mais ces règles sont contraires au droit de l’UE. Selon la directive européenne sur le temps de travail du 4 novembre 2003, tout travailleur a droit à 4 semaines de CP annuel. Ainsi, les travailleurs absents pour une cause de maladie doivent acquérir des congés payés et ce, quelle que soit l’origine (professionnelle ou non) de la maladie et cela sans limitation de durée.

La chambre sociale a donc logiquement fait application de cette règle : elle juge désormais que les salariés dont le contrat de travail est suspendu par un arrêt maladie ont droit à des congés payés quelle que soit l’origine de leur maladie (professionnelle ou non) et quelle que soit la durée de leur arrêt de travail (le droit à CP n’est donc plus limité à 1 an en cas d’AT/MP).

Ici le juge national va plus loin que la directive, qui limite l’acquisition de congés payés à 4 semaines, puisqu’il considère que le salarié malade peut prétendre non seulement à l’intégralité de ses droits à congés payés (soit 5 semaines selon notre notre droit), mais également aux congés payés éventuellement prévus par une convention collective.

Attention, il s’agit avant tout pour les salariés dont le contrat est en cours d’un droit à congés payés et non pas à indemnité de congés payés.

2/ Délai de prescription pour une demande d’indemnité de congés payés


Dans la même logique de mise en conformité au droit de l’UE, la chambre sociale a rendu un autre arrêt qui vient préciser le point de départ du délai de 3 ans pour agir en paiement des indemnités de congés payés.


Avant cela, la Cour de cassation jugeait que le point de départ de ce délai de prescription débutait à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris »1..


Cependant, en application du droit de l’UE, le juge décide désormais que ce délai ne commence à courir à cette date que si l’employeur justifie avoir bien mis le salarié en mesure de prendre effectivement ses congés. Si tel n’est pas le cas, le délai de prescription ne débute pas.


Cette précision a toute son importance, puisqu’en principe, la demande du salarié peut porter sur les 3 années précédant cette date ou précédant la rupture du contrat. Or, si on considère que cette date n’est pas fixée parce que l’employeur n’était jusqu’ici pas légalement tenu de mettre le salarié en mesure de prendre des congés qu’il n’avait pas acquis, les demandes de régularisation émanant des salariés pourraient potentiellement remonter plus loin dans le temps… C’est un point qui reste à éclaircir.


A noter que cet arrêt traite d’une action en paiement d’une indemnité de CP mais peut vraisemblablement s’appliquer dans le cadre d’un droit à congés.

3/ Impacts et conséquences


Ces arrêts ont de grandes conséquences dans les entreprises, car ils sont tout à la fois :

  • d’application immédiate : les salariés peuvent, dès à présent faire valoir leurs droits, sans attendre une intervention du législateur ;
  • d’application rétroactive : autrement dit, les salariés peuvent réclamer les congés payés qu’ils ont acquis du fait de périodes de maladie antérieures au 13 septembre 2023, et cela même s’ils ont déjà quitté l’entreprise. La question de savoir jusqu’à quelle date l’on peut remonter dans le temps reste une des interrogations auxquelles il est difficile d’apporter une réponse ferme. Il est désormais très probable que le législateur s’empare de ce sujet et mette en conformité le Code du travail vis-à-vis du droit de l’Union européenne. Les modalités de cette traduction législative ne sont néanmoins pas encore connues.
    Les entreprises doivent donc se mettre en conformité dès maintenant, et cela sans attendre une évolution législative. En pratique, certains employeurs n’envisagent pas de régulariser les situations tant qu’une modification législative n’est pas intervenue, d’autres attendent d’éventuels contentieux…… Ils ont pourtant tout intérêt à appliquer ces règles, voire à régulariser certaines situations (au moins sur les 3 dernières années) afin d’éviter de cumuler un stock de congés qui leur sera ensuite difficile d’écouler ou de s’exposer à d’éventuelles condamnations à des dommages-intérêts en cas de contentieux.

4/ La position de la CFDT

Nous nous sommes saisie du sujet et nous avons interrogé la Direction sans attendre.

La Direction attend l’évolution législative Française pour régulariser la situation des salariés du Groupe.

De notre coté, nous voulons mener un dialogue avec l’employeur afin de régulariser la situation des salariés qui ont été ou qui risquent d’être privés de leurs droits à congés.

Pour nous, ll est préférable qu’une négociation collective sur cette thématique ne s’envisage qu’une fois le Code du travail modifié par la loi. Il se peut en effet que l’accord conclu soit contraire ou moins favorable que la loi à venir, ce qui risque de contraindre à une nouvelle négociation une fois celle-ci entrée en vigueur. Pour autant, cela ne doit pas empêcher de demander à l’employeur d’appliquer dès maintenant ces nouvelles jurisprudences.

Nous sommes prêt à accompagner les salariés et adhérents qui souhaiteraient faire valoir leurs droits en justice si notre employeur reste opposé à leurs demandes de régularisation, plusieurs salariés nous ont d’ailleurs dors et déjà sollicité.

Nous restons vigilant quant à la mise en oeuvre de ces règles et, notamment, de tenir compte des risques potentiels qu’elle engendre pour certains salariés, en termes de désinsertion professionnelle ou encore au regard de leur impact sur les conditions de travail des salariés restant en poste.

5/ Le législateur interviendra au premier trimestre 2024

Le 30 novembre dernier, Elisabeth Borne a annoncée vouloir réduire l’impact de ces décisions sur les entreprises.

le législateur interviendra au premier trimestre 2024.

Le véhicule législatif utilisé pourrait être le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne présenté le 15 novembre dernier en Conseil des ministres, dont l’examen au Sénat débutera à compter du 20 décembre prochain.

Sur le fond, rappelons qu’Olivier Dussopt, ministre du travail a évoqué deux pistes législatives pour atténuer les effets de la position de la Cour de cassation:
– la restriction de l’acquisition de congés payés durant les arrêts de travail aux quatre semaines de congés prévues par le droit européen, en excluant ainsi la cinquième semaine prévue par le droit français;
– l’encadrement des délais de report des congés payés acquis

La CFDT a demandé au gouvernement d’être associée à une concertation dans le cadre du projet de loi qui mettra en conformité le droit français au droit de l’UE.
Une future loi pourrait limiter l’acquisition de congés payés en arrêt maladie à 4 semaines par an, la directive européenne prévoyant cette limite. Cela ne sera pas sans poser de questions juridiques par rapport à notre Code du travail qui, lui, prévoit l’acquisition de 5 semaines par an. Pour la CFDT, il est impératif que les 5 semaines légales soient garanties dans le projet de loi.
Cette future loi pourrait également prévoir de limiter la période pendant laquelle les salariés qui n’ont pu prendre leurs congés payés acquis du fait de leur maladie, peuvent en bénéficier à leur retour d’arrêt.

La CFDT resterait alors vigilante à ce qu’une période de report de CP d’une durée raisonnable soit accordée aux salariés.


Publié le 4 décembre 2023


2023-12-04 16:52:50
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